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Lettres de Bon-Papa

29 décembre 2012

Metz, 21 août 1939

Ma petite Renette chérie,

J'ai eu ce matin la lettre de scène qui, mais à midi, celle d'hier ne pas arriver ; c'est le dimanche qui me vaut cela ; il n'y a rien à faire la contre.

Rien de spécial ici. Les journaux commencent à s'inquiéter un petit peu et cependant il n'y a absolument rien de plus qu'il y a huit jours. Il est vrai qu'ils ont du retard et sont encore loin de voir la situation aussi sérieuse qu’elle l’est en réalité. La seule chose qui la rende dangereuse du reste, c'est le mépris avec lequel on l'a traité. Il ne sait-il Les Allemands font tout ce qu'ils veulent sans la moindre réaction de notre part. Une réaction énergique les aurait sans doute arrêtés mais il faudrait des actes et non des paroles.

J'ai vu Saxcé hier soir, il est venu passer un moment à la maison. Sa femme n'est toujours pas revenue. Elle n'est du reste pas à Orléans comme je te l'avais écrit mais pas Chartres. Totote va aussi bien que possible et en somme l'alerte se sera très bien terminée pour elle. Je voudrais bien voir revenir Mme de Saxcé car cela me donnerait peut-être l'occasion de faire quelques bridges le soir. En ce moment il n'y a plus rien à faire et la maison n'a rien de particulièrement gai. Même pas la ressource d'aller au cinéma, car on ne donne absolument rien d'intéressant, et comme ça ne me dit rien d’y aller seul par-dessus le marché !

Nous avons eu une belle douche ce matin, elle s'est heureusement terminée juste assez tôt pour me permettre de revenir à la maison sans être trop mouillé.

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en te pressant tout contre moi et en t'embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.

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29 décembre 2012

Metz, 20 août 1939

Ma petite Renette chérie,

Pas de lettre de toi aujourd’hui. C’était du reste prévu. Marie n’est pas venue, alors que dimanche dernier, elle avait passé la journée à la maison. J’ai vu Hurstel rentrer de permission hier, il s’apprête à déménager ces jours-ci, il est maintenant au 30ème Dragons. Tout le monde va bien chez lui.

Voilà que l’on commence à s’affoler un peu à Paris, avec retard du reste, on met au moins huit jours pour y lire les papiers, et cette nuit, on nous envoie un télégramme chiffré pour nous apprendre ce que nous savions déjà avant le quinze août ! En attendant, on supprime pratiquement les permissions. Quand on va se décider à Paris à lire ce que l’on a su ici le 15 ou le 16, ça va être plus grave certainement, et on va rappeler les permissionnaires, sinon même prendre d’autres mesures très sérieuses. Mais laissons Paris, où les gens ne comprennent jamais rien. Pour la première fois hier, quelques nouvelles un peu plus rassurantes, au moins pour les quelques jours qui viennent ; ce n’est encore qu’un espoir mais peut-être serons-nous tranquilles jusqu’à la fin du mois. C’est déjà beaucoup de pouvoir dire cela, car avec les nouvelles du 16, on pouvait s’attendre à être en guerre le 17. Ce qui est effarant, c’est l’inconscience presque générale. Et lorsque les gens apprennent la situation réelle, ils en sont effarés et ne comprennent pas que nous restions aussi amorphes.

Espérons tout de même que la crise passera comme les autres, quoiqu’on ne puisse la comparer en violence à aucune de celles que l’on a connues depuis 2 ou 3 ans. Celle de septembre semble une aimable plaisanterie. On parlait alors beaucoup, et l’on n’agissait pas. C’était un peu comme les 2 Marseillais qui ne voulaient pas se battre, et qui criaient à tout le monde qu’on les retienne. Cette fois-ci, c’est plus grave, car les gens ne crient plus, mais ils agissent. J’en suis au point d’hésiter à demander à l’ordonnance de faire des confitures car il faut être sûr de disposer de trois jours, ce qui est long à l’heure actuelle. Peut-être y penserai-je demain.

Il fait très beau et chaud depuis que je suis revenu. J’espère que vous avez le même temps à Saint-Amour, et que vous pouvez tous en profiter. C’est ce qu’il y a de mieux à faire actuellement.

J’ai été pris toute la matinée, on venait déjà me chercher au moment où je revenais de la messe. Je pense tout de même ne rien avoir à faire cet après-midi. Il est vrai que cela occupe un peu un temps qui me paraît tellement long.

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.

29 décembre 2012

Metz, 19 août 1939

Ma petite Renette chérie,

J’ai eu tout à l’heure ta lettre d’hier me relatant votre voyage à Givors. Je vois que tout s’est bien passé, même les accrocs de Germaine, mais tu ne me dis pas qui est allé là-bas.

Ici rien de bien neuf ou plutôt si : j’ai vu un des Saxcé, Fernand ou Louis, qui à l’heure du déjeuner allait chercher un litre de vin chez Delacourt au lieu de venir le demander à la maison ! Puisse cette bonne habitude continuer.

Pas de nouvelles sensationnelles aujourd’hui. Hier soir un avion allemand est venu se poser comme par hasard. Ca va me permettre de faire un beau rapport à Paris pour réclamer de l’aviation de chasse à Metz car elle servirait à quelque chose… mais cela m’étonnerait d’avoir satisfaction car à Paris on ne comprend jamais rien et on préfère avoir des avions de chasse dans des endroits où ils ne servent absolument à rien, à Dijon, à Paris, à Châteauroux ou à Reims… mais au moins on peut les exhiber à tous les badauds qui n’y comprennent rien et dire : « Voyez si nous avons maintenant des ministres à la hauteur et si notre aviation est belle ! » C’est plus prudent que de l’exhiber ici où l’on constaterait peut-être qu’elle est incapable de rattraper les avions allemands. La situation est toujours très tendue. Il n’est pas sûr que les Allemands veuillent faire quelque chose mais s’ils le veulent, nous serons hors d’état de les en empêcher et c’est là où est le grand danger. Cette andouille de douanier qui a voulu arrêter les 2 soldats allemands le 15 août à la frontière leur a dit : « Au nom de la loi, je vous arrête ! » Et il s’est fait casser la figure. S’il avait sorti son revolver à temps, cela ne lui serait pas arrivé et les Allemands l’auraient suivi. Il faudrait bien que la France elle aussi sorte son revolver à temps, ce qui lui éviterait d’avoir à s’en servir, ou sans cela elle risque fort la même aventure que le douanier.

 

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en te prenant tout contre moi et en t’embrassant bien tendrement et de tout cœur.

29 décembre 2012

Metz, 18 août 1939

Ma petite Renette chérie,

Pas de lettre de toi aujourd’hui mais je m’y attendais en raison de votre voyage à Givors. J’espère que demain le courrier sera un peu plus abondant.

J’ai vue Saxcé hier, il est seul en ce moment. Il a été appelé hier par télégramme vendredi dernier à Orléans, car Totote avait une crise d’appendicite. Il est parti en auto avec sa femme à 22 h, est arrivé à 5 heures à Orléans et à 8 heures Totote était opérée. Tout s’est très bien passé mais madame de Saxcé est restée là-bas. Les autres enfants sont je ne sais pas où mais pas à Metz en tout cas.

Les nouvelles générales continuent à être très mauvaises. En 1914 nous avons mobilisé avec des renseignements certainement moins graves. Il ne faut pas tout voir perdu cependant. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il serait grand temps que l’on fasse quelque chose. On a dû prendre hier quelques mesures prévues en cas de crise seulement mais bien insignifiantes. J e trouve que nous aurions dû mobiliser le 15 juillet… Nous n’aurions vraisemblablement pas eu la crise actuelle qui dépasse de beaucoup au point de vue militaire celle de septembre 1938. Continuer de ronfler sur ses deux oreilles comme nous le faisons actuellement, c’est faire le jeu complet de l’Allemagne. Toute heure perdue pour mobiliser à notre tour devient un crime et un risque de guerre de plus. Il faudrait tout de même se mettre dans la tête qu’on ne peut en imposer aux Allemands que par la force et que les plus beaux discours parlementaires, les déclarations les plus « énergiques » n’ont aucune valeur vis-à-vis d’eux. Rester faibles comme c’est le cas actuellement, c’est vouloir la guerre.

J’ai reçu un faire-part de mariage de Melle Anne Dupré la Tour (belle-sœur de la Roncière) avec un monsieur Georges Gondinet à Bercenay en Orthe (Aube) le 26 août. Je tâcherai de te le faire suivre demain.

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.

29 décembre 2012

Metz, 17 août 1939

Ma petite Renette chérie,

Voici une journée un peu moins bousculée qu’hier car il n’y a pas eu d’incident de frontière au moins ce matin. Pour celui du 15 août, on semble vouloir minimiser les choses dans les journaux en racontant des choses manifestement fausses. On décharge presque les Allemands de toute responsabilité et ils en avaient une si grosse que j’ai pu donner comme conseil à la garde mobile, si pareil fait se reproduisait, de tirer immédiatement et d’en descendre un ou deux. Mais c’est toujours la même chose. En France beaucoup de gens prétendent haïr les Allemands – sans les connaître du reste – et ne veulent rien faire qui puisse les gêner. A contraire ils sont tout prêts à s’humilier devant eux. On a vu dans l’histoire bien des guerres se déclencher pour un incident moins grave que celui que nous avons eu. J en veux pas dire qu’il aurait fallu déclarer la guerre, bien loin de là, mais on devrait avoir un peu de fierté nationale et savoir se faire respecter. Il faudrait au moins demander des excuses officielles et solennelles sur place et non à Paris. Au lieu de cela on se contentera de vagues excuses faites par écrit à Paris, c’est-à-dire de rien du tout, et les Allemands seront tout prêts à recommencer.

A Paris on se bouche les yeux pour ne rien voir, la consigne est de ronfler et cependant les indices graves se multiplient devant nous. Nous aurons presque certainement une crise très grave d’ici la fin du mois et on ne fait rien pour l’éviter. Ce n’est pas notre politique d’autruche qui nous servira, bien au contraire, car cette apathie ne sert que d’encouragement pour les Allemands.

Enfin il vaut mieux penser à autre chose. Il fait très beau tous ces jours-ci, aujourd’hui il y a un peu de nuages ; peut-être votre promenade à Givors en aura-t-elle été favorisée par un peu moins de chaleur, ce serait à souhaiter.

Tu peux dire à Ricou que Metz à battu Prague par 5 à 0 ; les journaux d’ici sont enchantés car Strasbourg et Prague avaient fait match nul deux jours avant.

Je te transmets une lettre des Estrangin arrivée ce matin. Grasse est bien loin ! Même de Saint-Amour… et d’ici le mariage ! …

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en te prenant tout contre moi et en t’embrassant bien tendrement et de tout cœur.

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29 décembre 2012

Metz, 16 août 1939

Ma petite Renette chérie,

Me voici de nouveau à Metz, je ne dirai pas après un bon voyage, car un voyage qui m’éloigne de toi ne peut pas être un bon voyage, mais après un voyage fait dans de bonnes conditions. Peu de monde dans le train jusqu’à Dijon et depuis Dijon les compartiments pleins ou à peu près. J’avais une place assise, aussi je n’avais pas à m’inquiéter, mais le train ne s’étant formé que cinq minutes avant le départ, ç’avait été la bousculade pour se placer.

Je n’ai trouvé en arrivant que deux papiers qui me demandaient de passer à l’Etat-Major dans la journée (d’hier) et le plus vite possible. Il était temps que je rentre. Survols d’avions allemands trop haut pour la DCA et contre lesquels on n’a rien pu faire, les aviateurs français ayant décrété que le 15 août était férié ! Du reste avec les avions dont on disposait et qui arrivent tout juste (et ce n’est même pas sûr) à la moitié de la vitesse des avions allemands, cela valait presque autant : on n’a pas été ridicule. Evacuation de la zone frontière par les civils allemands. Grave incident de frontière hier soir (un douanier assommé par des militaires allemands en tenue à 200 mètres à l’intérieur du territoire français)… rien n’a manqué et ça peut continuer ces jours-ci. La situation est beaucoup plus mauvaise qu’en septembre dernier où nous avions pris des précautions… alors que l’on savait très bien qu’au point de vue militaire il ne pouvait rien y avoir ici. Il n’y a pas encore gros danger mais il ne faudrait pas que cela continue longtemps sans que nous fassions quelque chose car alors les allemands seraient en état d’enlever comme ils le voudraient toutes nos fortifications avant que nous n’ayons pu les occuper. Tout le monde s’est affolé un peu hier… alors que depuis six semaines ce sont tous les jours des nouvelles du même genre. C’est très joli d’avoir comme consigne de ronfler et de ne rien voir ni ne rien faire mais cela peut amener à des surprises désagréables. Tout cela n’est certainement pas bien gai. Enfin dans huit jours nous serons fixés je pense.

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en te prenant tout contre moi et en t’embrassant bien tendrement et de tout cœur.

29 décembre 2012

Metz, 10 août 1939

Ma petite Renette chérie,

Cela ne m’étonne plus de ne pas retrouver le programme de Will, puisque, comme il me semblait du reste me le rappeler, je le lui avais déjà expédié. Etant à Saint-Amour, il ne peut pas être à Metz.

Tu me dis que cela ne doit pas marcher chez les Saxcé, puisqu’ils ne vont pas dans les Vosges. J’ignore absolument s’ils n’y sont pas allés depuis le début du mois, on a l’impression que la maison est à peu près inhabitée ; ils sortent en auto, mais où vont-ils ? Je l’ignore absolument, et je ne puis tout de même le leur demander. S’ils veulent me dire quelque chose, ils n’ont qu’à le faire. J’ai eu la note d’eau du trimestre, ce matin. Cela devient une catastrophe : 178 francs 20 ! Et le mètre cube est à 1 franc ! Autrement dit, nous aurions dépensé 2 mètres cubes par jour, c’est tout de même invraisemblable. Je suis allé voir l’officier de l’Etat Major en relation avec le Génie pour lui demander de nous pistonner un peu, et je compte demander qu’on nous installe un compteur à l’étage. Même si nous payons la location, nous y gagnerons certainement beaucoup. Un officier en paie une, et le Génie lui demande 9 francs par trimestre pour cela ! Je suis bien convaincu que nous économiserions bien plus de neuf francs d’eau, et si nous dépensions la même chose, nous aurions au moins la satisfaction morale de penser que c’est bien nous qui utilisons l’eau que nous payons !

Je ne sais si Delmotte est passé ici hier soir, l’école de Poitiers est arrivée en retard, et je me suis lassé de l’attendre. Si du reste, il avait tenu à me voir, il serait bien venu jusqu’à la maison, à condition qu’il soit à Metz bien entendu. Rien de neuf sans cela. Nous avons toujours gagné 24 heures, et c’est beaucoup à l’heure actuelle. Normalement, il ne doit rien y avoir avant le 15 ou le 16… après on ne sait pas. J’ai l’impression que le plus dur est passé, mais ce n’est peut-être qu’une impression, et nous pouvons avoir infiniment plus tendu… dans les journaux, car actuellement, la presse ne dit absolument rien de ce qui se passe, ou le laisse à peine deviner quand on l’étudie au microscope. On n’a même pas dit –du moins je ne l’ai pas vu – que la classe ne serait pas libérée en octobre, et cela ne peut pourtant rien avoir de secret !

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.

29 décembre 2012

Metz, 9 août 1939

Ma petite Renette chérie,

J’ai eu dans ta lettre de ce matin le stock de photographies que tu m’as envoyées. Elles ne sont pas jolies jolies en général, mais elles me font plaisir tout de même. Il faudrait pouvoir en composer une seule avec les huit en prenant ce qu’il y a de bien dans chacune. En général, c’est Marie-Odile la mieux réussie. On peut lui dire qu’elle est photogénique, à son âge ça n’a aucune importance ; plus tard, ce pourrait être plus grave. Tu m’as demandé de t’envoyer le programme des examens oraux de Will. Je ne le fais pas avec cette lettre, car je ne l’ai pas trouvé. Je le rechercherai plus à fond. Je ne suis pas sûr du tout de l’avoir, et il me semblait bien lui avoir écrit ce qu’il devait passer. Il n’y a pas de papier qui traîne en ce moment, et c’est pour cela que je suis étonné de ne pas le trouver s’il est ici. Il est vrai que Charpentier s’obstine toujours à tout mettre sens dessus dessous pour faire une belle pile, ce qui empêche de trouver quoi que ce soit sans tout déranger.

Ce soir l’école de Poitiers doit arriver ici, je me demande si Delmotte y sera. Je serais bien content de le voir, mais l’école ne fait guère que passer la nuit.

Au point de vue général, la situation semble s’améliorer un peu ces jours-ci. Ce n’est pas bien brillant encore. Au point de vue militaire, la situation a été et est encore beaucoup plus mauvaise qu’elle ne l’a jamais été l’année dernière. Alors qu’en 1938, on pouvait dire que les Allemands ne voulaient pas la guerre, cette année les préparatifs faits ont été tels que l’on ne pouvait répéter la même chose. J’ai l’impression que cela se calme, et qu’il y a eu des contre ordres donnés au dernier moment, car normalement, à l’heure actuelle, les hostilités pourraient être commencées. Certains mouvements prévus n’ont pas eu lieu, et tout est resté calme. Ce qui était le plus curieux, c’était de voir la quiétude absolument injustifiée de la presse, alors que depuis quelque temps, on pouvait se demander chaque matin si un incident très grave ne surgirait pas dans la journée, emportant tout ce beau calme. Il faut encore gagner quelques jours, ou peut-être quelques semaines pour être tranquille. Mais j’ai l’impression que cela va beaucoup mieux que lorsque tu es partie de Metz par exemple. Cela n’empêche pas que si la tension diplomatique était en harmonie avec la tension militaire, celle de septembre dernier paraîtrait encore insignifiante. Il n’y aurait pas à s’affoler du tout si la situation semblait s’empirer. Ce ne serait peut-être que pour masquer le recul qui semble s’ébaucher actuellement.

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.

29 décembre 2012

Metz, 8 août 1939

Ma petite Renette chérie,

J’ai trouvé ce matin ta lettre de dimanche me donnant la recette des confitures. Je vais voir avec l’ordonnance ce que l’on peut faire. Rien ne presse du reste, puisque les prunes ne font que commencer ; elles ont du reste baissé de prix, et on en voit un peu partout affichées à 1 franc 20 le kilo. Ca ne peut guère baisser beaucoup du reste, et si cela tombe à 1 franc, ça ne fera jamais que deux francs de moins au total, ce qui est presque négligeable. Seront-elles réussies, c’est une autre question. Enfin, si elles ne le sont pas, on aura toujours la ressource de commencer par elles pour les manger.

J’espérais avoir une autre lettre à midi… celle d’hier, mais rien du tout… Elle aura manqué la levée de départ.

Je t’avais quittée un peu vite hier pour aller à l’Etat Major. J’y ai été pris de 14 heures à 18 heures 30 sans arrêt par différents visiteurs au point de ne pouvoir même pas m’asseoir et écrire le moindre bout de papier. Ce n’est pas cela qui fait avancer les choses, cela fait même une après-midi à peu près perdue pour moi.

 Par contre j’ai été assez effaré d’apprendre certaines choses que l’on n’arrive pas à soupçonner par la presse tellement quelques faits sont bien cachés. On a après cela l’impression que sur certains sujets la presse toute entière est magnifiquement orchestrée… pour dire des mensonges absolus. On ne sait vraiment plus que croire. Les allemands sont certainement mal renseignés sur pas mal de points, mais je ne sais qui ment le plus de la presse allemande ou de la presse française. Je ne peux d’ailleurs te donner de détails par écrit, mais je suis de plus en plus confirmé dans mes idées sur un certain nombre de personnes et sur la valeur de leur réputation.

Je te laisse, ma petite Renette chérie, en te prenant tout contre moi, et t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.

29 décembre 2012

Metz, 7 août 1939

Ma petite Renette chérie,

J’ai eu ce matin ta lettre d’avant-hier, mais à midi, celle d’hier ne m’est pas arrivée. Il est vrai qu’hier c’était dimanche, et le courrier doit assez mal marcher ce jour-là.

Je t’avais écrit que j’ignorais ce que devenaient les Saxcé. Eh bien, rien : ils circulent un peu en auto tous ces jours-ci. Hier soir après-midi, ils m’ont demandé de venir faire un bridge ; Madame n’est pas là, bien qu’il soit vingt heures à quelques minutes près ; elle était couchée ! J’ai pensé qu’elle était malade, mais non ! Elle n’avait rien du tout. Geneviève a besoin de se coucher tôt, alors comme cela ne lui dit rien faute d’habitude, sa mère se couche en même temps qu’elle ! Et elle ne se relève même pas ensuite ! C’est tout de même vraiment un peu tôt pour être dans son lit.

Rien de spécial à Metz tous ces jours-ci. Il pleut souvent, mais ce n’est pas nouveau, et tu dois bien t’en apercevoir à Saint-Amour.

Marie est restée hier toute la matinée, puis a disparu vers 13h30 pour aller je ne sais trop où. C’est vraiment assez curieux. Je me demande un peu ce qu’il faut en penser, et pourquoi elle vient ainsi à Metz. Enfin, je ne m’en plains pas, ça me fait toujours un repas un peu mieux qu’à l’ordinaire.

Je dois aller de bonne heure à l’Etat Major cet après-midi pour y retrouver un officier venu spécialement de Paris ; aussi il me faut te quitter maintenant. Je ne le fais du reste qu’après t’avoir embrassée bien bien tendrement et de tout cœur.

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