Metz, 21 juillet 1939
Ma petite Renette chérie,
Pour commencer, une bien triste nouvelle aujourd’hui. Boisanger a dû rentrer hier soir, je crois, à Metz. Ce matin, il a téléphoné qu’il se sentait fatigué, et qu’il n’irait pas au bureau. A onze heures, dans des conditions qu’il sera très difficile de connaître, il est tombé dans la rue de sa fenêtre. On l’a immédiatement transporté à l’hôpital Legouest où l’on a constaté une « fracture profonde du crâne ». Je ne sais si on a même l’espoir de l’en tirer, mais il est certain qu’une chute du troisième étage vous laisse bien peu de chances de survie. Il était seul dans son appartement. Peut-être a-t-il voulu ouvrir un volet et a-t-il glissé. Peut-être, se sentant plus fatigué, a-t-il voulu appeler en se penchant par la fenêtre. Il est probable qu’on en saura jamais rien. On a dû télégraphier à Madame de Boisanger immédiatement, mais il n’est pas sûr qu’elle ait encore reçu le télégramme à l’heure actuelle. Si elle l’a, elle pourra être à Metz demain matin à cinq heures ; sans cela, ce sera beaucoup plus tard. On ignore si Mademoiselle de Boisanger est à Joeuf ou en Bretagne. Si bien que ce pauvre Boisanger risque fort de disparaître sans que personne de sa famille n’ait pu le revoir. On a téléphoné la nouvelle à la Place un peu avant midi. Madame de Saxcé est venue le dire à Charpentier qui m’en a prévenu aussitôt. Je suis descendu chez les Saxcé après le déjeuner, et je n’ai plus maintenant que quelques minutes avant de partir à l’Etat Major.
Hier soir, je suis allé chez les Perrin, où j’ai retrouvé les Fontant et Caillies. Très bon dîner, tout s’est très bien passé. Les Perrin passeront par Saint-Amour soit tout à fait fin juillet, soit plus vraisemblablement au début d’août, à moins que les permissions ne soient supprimées. Dis-moi la date de ton départ de Chauvigny pour que je puisse les prévenir.
Les Fontant déménagent actuellement et sont installés comme ils le peuvent ; ils ont certainement beaucoup à faire tous ces jours-ci. Je regrette de ne pouvoir les recevoir, mais vraiment, ce ne serait pas bien pratique.
Je te quitte, ma petite Renette chérie, en t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.