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Lettres de Bon-Papa
29 décembre 2012

Metz, 20 août 1939

Ma petite Renette chérie,

Pas de lettre de toi aujourd’hui. C’était du reste prévu. Marie n’est pas venue, alors que dimanche dernier, elle avait passé la journée à la maison. J’ai vu Hurstel rentrer de permission hier, il s’apprête à déménager ces jours-ci, il est maintenant au 30ème Dragons. Tout le monde va bien chez lui.

Voilà que l’on commence à s’affoler un peu à Paris, avec retard du reste, on met au moins huit jours pour y lire les papiers, et cette nuit, on nous envoie un télégramme chiffré pour nous apprendre ce que nous savions déjà avant le quinze août ! En attendant, on supprime pratiquement les permissions. Quand on va se décider à Paris à lire ce que l’on a su ici le 15 ou le 16, ça va être plus grave certainement, et on va rappeler les permissionnaires, sinon même prendre d’autres mesures très sérieuses. Mais laissons Paris, où les gens ne comprennent jamais rien. Pour la première fois hier, quelques nouvelles un peu plus rassurantes, au moins pour les quelques jours qui viennent ; ce n’est encore qu’un espoir mais peut-être serons-nous tranquilles jusqu’à la fin du mois. C’est déjà beaucoup de pouvoir dire cela, car avec les nouvelles du 16, on pouvait s’attendre à être en guerre le 17. Ce qui est effarant, c’est l’inconscience presque générale. Et lorsque les gens apprennent la situation réelle, ils en sont effarés et ne comprennent pas que nous restions aussi amorphes.

Espérons tout de même que la crise passera comme les autres, quoiqu’on ne puisse la comparer en violence à aucune de celles que l’on a connues depuis 2 ou 3 ans. Celle de septembre semble une aimable plaisanterie. On parlait alors beaucoup, et l’on n’agissait pas. C’était un peu comme les 2 Marseillais qui ne voulaient pas se battre, et qui criaient à tout le monde qu’on les retienne. Cette fois-ci, c’est plus grave, car les gens ne crient plus, mais ils agissent. J’en suis au point d’hésiter à demander à l’ordonnance de faire des confitures car il faut être sûr de disposer de trois jours, ce qui est long à l’heure actuelle. Peut-être y penserai-je demain.

Il fait très beau et chaud depuis que je suis revenu. J’espère que vous avez le même temps à Saint-Amour, et que vous pouvez tous en profiter. C’est ce qu’il y a de mieux à faire actuellement.

J’ai été pris toute la matinée, on venait déjà me chercher au moment où je revenais de la messe. Je pense tout de même ne rien avoir à faire cet après-midi. Il est vrai que cela occupe un peu un temps qui me paraît tellement long.

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.

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