Metz, 25 juillet 1939

Ma petite Renette chérie,

Ta lettre reçue hier me dit que vous avez bien mauvais temps à Chauvigny ; ce doit être général du reste, car ici, il fait bien mauvais aussi.

Hier après midi avait lieu la cérémonie pour Boisanger. Quel temps épouvantable. Un peu avant, il s’est mis à pleuvoir avec une violence rare, si bien que tout le service d’honneur s’est fait tremper. Je suis allé là-bas en auto avec les Saxcé, cela m’a évité d’être trop douché, mais il pleuvait encore bien. Beaucoup de monde à la cérémonie. Presque tous les colonels de Metz étaient là. Le Général Lorzeau n’avait pas voulu y aller, et les généraux avaient suivi son exemple. Beaucoup de commandants et un certain nombre de capitaines. Les femmes étaient en général absentes… mais beaucoup ne sont pas à Metz. Il y eut une bénédiction dans la chapelle bien trop étroite, une partie des officiers ne purent entrer et se firent doucher copieusement. Puis on est allé à la gare où se fit l’embarquement du cercueil, toujours sous la pluie. Avec un temps pareil, la cérémonie était doublement triste. Tu as dû voir dans les journaux, que l’enterrement n’est que jeudi. C’est bien long, et, pour la famille, il aurait certainement mieux valu que l’on puisse abréger ce délai, car ce sont des moments bien pénibles, quoi que l’on fasse.

Le temps n’a consenti à se lever que lorsque tout était fini. Rien de spécial à Metz sans cela. Il y a un certain nombre de permissionnaires, mais pour quinze jours seulement, et d’ici huit jours, tout risque fort d’être supprimé ; on verra ça à ce moment.

Dans le Lorrain de ce matin, j’ai vu que l’abbé Artorne quitte Saint-Martin. Il est nommé à Lucy et est remplacé par un abbé Adam, qui vient d’être ordonné ces jours-ci. Il aurait mieux valu que ce soit le vieux prêtre qui nous soit enlevé par Lucy… il est vrai qu’à son âge…

Je te quitte, ma petite Renette chérie, en t’embrassant bien bien tendrement et de tout cœur.